Homélie : Vendredi Saint
par Alain Normand, diacre
La célébration que nous vivons cette après-midi
nous permet de suivre le Christ dans sa passion, jusqu’à la
croix. Déjà hier soir, nous étions invités à demeurer près de
lui, après le repas de la Cène au jardin de Gethsémani. Nous
méditons ensemble ce moment si intense de la vie du Christ où il
choisit d’entrer dans une profonde solidarité avec notre
humanité mais aussi dans une profonde obéissance à son Père.
En regardant le Christ je suis frappé par cette
solitude dans laquelle il est plongé : au jardin de Gethsémani
alors que les disciples ne peuvent demeurer éveillés ; tout au
long de son procès si injuste ; au moment où dans son corps il
fait l’expérience de la souffrance et de l’épreuve sans pouvoir
y répondre ; Jésus semble profondément seul, abandonné de tous,
rejeté par tous. Le Christ, sur la Croix rejoint ainsi cette
solitude profonde dans laquelle beaucoup de nos frères sont
parfois plongés. Je pense particulièrement cette après-midi aux
enfants, aux jeunes qui, subissant les échecs, les épreuves de
leurs parents se retrouvent seuls à porter des croix bien trop
lourdes pour eux. Je pense à ceux pour qui la recherche d’un
travail, les problèmes économiques ou la charge de travail
deviennent un combat épuisant à mener seul.
Je pense à ceux qui souffrent dans leur corps
abîmés par la maladie ou par un handicap et pour lesquels nous
ne percevrons jamais vraiment ce qu’ils peuvent endurer.
Je pense à ceux qui sont dans le deuil n’arrivant
plus à envisager un avenir pour eux-mêmes. Dans mon ministère de
diacre, comme vous tous, j’accueille, je rencontre, j’entends
toutes ces situations qui sont autant d’hommes et de femmes.
Elles sont bien réelles. Elles portent les visages de tels ou
tels de notre communauté chrétienne. Et je me sens souvent si
impuissant, sans réponse à donner, sans solution à offrir. Alors
cette après-midi, je regarde avec vous la croix du Christ. Jésus
s’est rendu solidaire de cette humanité plongée elle aussi dans
cette solitude profonde qui enferme, qui isole, qui détruit
l’homme. Jamais homme n’avait été, en Jésus Christ, si proche de
l’homme. Jamais homme n’avait ressenti si fortement ce que
ressent l’homme. Lui, Jésus, sur la Croix, connaît le cœur de
l’homme. Lui, Jésus, sur la Croix, a pris sur lui nos
souffrances, nos épreuves, nos douleurs, nos fardeaux. Il n’a
pas fait semblant. Il n’est pas resté extérieur, insensible. Il
s’est fait l’un de nous, jusque là. La Croix du Christ est déjà
lumineuse.
En regardant le Christ je suis bouleversé, non
seulement par cette solidarité avec l’humanité souffrante mais
aussi par le regard, l’attitude du Christ sur la Croix. Le
regard du Christ n’est pas perdu dans le vide sans vie. Le
regard du Christ n’est pas centré sur sa propre douleur. Le
regard du Christ n’est pas rempli de haine.
Le regard du Christ est tourné vers son Père. Si
la souffrance, la douleur, l’injustice, la mort n’ont pas de
sens, Jésus choisit de leur redonner un sens, une direction en
se tournant tout entier vers son Père. « En tes mains, je
remets ma vie » dit-il sur la Croix. Il choisit de ne plus
s’appartenir. Il ouvre ainsi un nouveau chemin pour sortir de
cette solitude profonde dans laquelle les événements l’ont
plongé. Il nous montre une issue possible dans cet acte
d’abandon qu’il pose en s’en remettant tout entier à l’amour de
son Père. La Croix du Christ n’est pas la fin de l’histoire qui
finit mal. La Croix du Christ est le commencement d’une nouvelle
vie qui jaillit déjà dans l’acte de confiance, l’acte de foi du
Christ choisissant de se saisir de sa vie pour l’orienter vers
son Père. Lorsque l’homme choisit de se rapprocher de Dieu, de
remettre sa vie dans les mains de Dieu dans un acte de foi,
d’abandon confiant, alors une force peut jaillir en lui et lui
redonner vie. La croix du Christ est déjà glorieuse.
Tel est le regard que nous portons sur la Croix
du Christ alors que nous allons être invités à la vénérer dans
quelques instants. Le Christ est devenu, écrit l’auteur de la
lettre aux hébreux, pour tous ceux qui lui obéissent, c’est à
dire pour tous ceux qui se tournent vers Lui, la cause du salut
éternel. Que la croix du Christ nous entraine ainsi dans cette
espérance, nous et toute l’humanité pour laquelle nous allons
prier. Amen
Unité pastorale Montréal-Nord |
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