Durant les premiers temps de la chrétienté, il y a
deux réalités que le Christ et les apôtres ont dénoncées et qui n’ont
trouvé une véritable solution seulement qu’au 20e siècle: la condition
des lépreux et l’esclavage.
Un lépreux
est considéré comme une personne punie par Dieu parce que la laideur de
ses pensées et de son cœur ressort dans sa chair. C’est pourquoi on
exclut les lépreux de la vie sociale et que c’est un prêtre qui doit
accepter leur réintégration. On craint la contagion, non pas physique,
mais des idées… Rappelons-nous qu’au Moyen Âge François d’Assise doit sa
conversion à des lépreux: en profonde dépression, il se promène dans les
bois comme un itinérant quand il est accueilli par accident dans une
léproserie… il développe un tel respect pour ces gens-là que pour lui,
la formation spirituelle pour devenir un disciple du Christ consiste à
aller travailler chez les lépreux pour dépasser toutes formes de
préjugés.
À la fin
du 19e siècle, le père Damien, en mission en Polynésie française, décide
d’aller vivre dans une île isolée où on envoie des lépreux et il finit
par attraper la lèpre. À partir de là, les vraies questions surgissent:
comment se fait-il qu’un prêtre reconnu par son saint dévouement et
inspirant par sa charité inconditionnelle attrape la lèpre si celle-ci
est l’émergence de pensées perverses?
On
commence à étudier cette maladie pour réaliser que la lèpre est
simplement un bacille cousin de la tuberculose qui infecte la peau comme
le psoriasis et que cette bactérie se propage dans des conditions de
pauvreté, de saleté et de désespérance morale… ce qui est depuis
toujours le lot de misère des lépreux.
Dans
l’évangile d’aujourd’hui, un lépreux s’approche de Jésus en lui disant:
« Si tu le veux, tu peux me purifier ». Il brave tous les préjugés à son
sujet. Il ne reste pas replier sur lui-même en braillant sur son
quotidien… La souffrance peut nous aigrir comme elle peut nous faire
pénétrer dans les douceurs de Dieu.
« Deviens
témoin »: vis tellement de ta foi de sorte que seule ta présence humble
et discrète soit un discours sur Dieu. Deviens réconfortant pour ceux
qui ont le cœur brisé, pour ceux dont on parle avec mépris, pour ceux
qui cherchent le sens de leur vie. On n’est pas chrétien pour ce qu’on
reçoit du Christ, mais pour ce qu’on lui donne de nous-mêmes.
Au nom de
Jésus, donnons une raison de vivre à ceux qui n’en ont pas : voilà les
lépreux du 21e siècle. Apprenons à ne jamais désespérer de l’humain en
sachant comme une certitude que « Dieu peut toujours faire au-delà de
tout ce qu’on peut imaginer » (Éphésiens 3, 20).
Gilles
Baril, prêtre
Unité pastorale Montréal-Nord |
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