Voici un
aveugle de naissance.
Il ne demande rien, pas un cri, pas même un geste. Il était là à la
sortie du Temple. C’est tout. Cet homme qui ne voit pas, Jésus l’a vu.
D’après les juifs, toute infirmité est le résultat d’un péché, d’une
punition de Dieu. De là leur question : est-ce lui qui a péché ou ses
parents ? Ni l’un, ni l’autre.
Pour Jésus, cet aveugle est le signe
de la nuit, de l’aveuglement des pharisiens contre lequel il lutte. Le
sens de l’événement est donc affirmé clairement : Jésus nous sort de nos
ténèbres pour nous illuminer de sa lumière.
L’aveugle est guéri.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais c’est alors que tout commence. À
la progression de la foi de l’aveugle, répond la progression de
l’agressivité qu’il rencontre de la foule, puis des pharisiens. Lui qui
n’avait jamais vu un visage, il découvre des regards inquisiteurs. Plus
il progresse dans la foi, plus ses interrogateurs le condamnent et
refusent de croire. Un véritable procès. Il est bousculé, jeté dehors,
expulsé. Même ses parents préfèrent rester à l’écart du drame. Pendant
tout ce temps, Jésus disparaît de la scène, comme s’il laissait l’homme
à ses responsabilités.
Rien
ne l’ébranle.
Au contraire sa foi s’affermit avec le procès qu’on lui fait. De
l’homme nommé Jésus qu’il désigne au départ, il le dit volontiers
prophète, puis Seigneur. Lorsqu’il rencontre Jésus, il n’a
plus qu’un geste, il se prosterne, et une seule parole : « Je crois,
Seigneur. ».
En
ce temps de Carême, nous sommes invités à faire le même parcours que
l’aveugle guéri.
Nous aussi nous avons à renouveler notre foi dans le mystère de Jésus, «
un homme qui vient de Dieu ». Mais, pas moins que pour l’aveugle-né, la
foi ne nous met à l’abri des questions, voire des moqueries. Le baptême,
loin de nous rendre la vie plus facile, nous force à voir clair et à
prendre position pour la justice et la vérité. Ou bien nous nous
décourageons devant l’épaisseur des ténèbres et nous baissons les bras
par découragement, ou bien cet affrontement fait grandir notre foi.
Comme David dont personne n’arrive à deviner en lui l’élu, celui qui
deviendra Roi, tant il est chétif et peu conforme à la mission, il peut
nous arriver d’avoir peur, de nous sentir petits et faibles devant notre
mission de baptisé. Mais, ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce
que Dieu a choisi pour confondre les forts et les puissants.
Enfin, Dieu
rend capables ceux et celles qu’il appelle.
Il a rendu la vue à l’aveugle, il a consacré David par l’onction, il
nous fortifiera au temps venu. N’hésitons donc pas à démasquer les
ténèbres pour faire jaillir la lumière du Christ là où sont les
ténèbres.
Richard
Depairon, curé-pasteur
Unité pastorale Montréal-Nord |
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