Voir clair pour naître à la bonté |
Une des raisons de nous
retrouver ici de dimanche en dimanche est, sans aucun doute, la joie de
rencontrer des proches avec qui nous partageons la foi. Nous sommes, en
effet, plongés dans un monde où croire est chose fort singulière. Aussi,
nous goûtons comme une joie la chance qui nous est donnée de nous
retrouver dans la foi et de renouveler nos raisons de vivre. Pour
avancer dans l'épreuve et le combat de la vie, nous avons besoin de la
présence de nos amis.
S'il y a
incontestablement de la joie à être ensemble, ce serait pourtant naïveté
d'ignorer qu'il y a entre nous des différences irréductibles et que
notre vie communautaire connaît des tensions et même des conflits. Ce
n'est pas d'aujourd'hui- Dans la première communauté chrétienne, il y a
eu des difficultés, comme le montre l'exigence rapportée par l'extrait
de l'évangile de Luc lu ce dimanche (Luc 6,39-45) qui s'adresse à la
régulation des relations entre «frères»: «Qu'as-tu à regarder la
paille qui est dans l'œil de ton frère? Et la poutre qui est dans ton
œil à loi, tu ne la remarques pas! Et comment peux-tu dire à ton frère:
'Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil, toi qui ne vois
pas la poutre qui est dans ton œil?' Hypocrite. Ôte d'abord la poutre de
ton œil; et alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l'œil
de ton frère !» (Luc 6,41-42).
Cette exigence - c'est
un commandement! - invite à considérer notre vie personnelle et le
fonctionnement de notre communauté chrétienne.
Cette parole définit une
exigence personnelle. Elle a de ce point de vue deux versants. Le
premier nous invite à ne pas accabler de reproches ou de leçons de
morale nos frères et nos sœurs. L'interdit posé par Jésus est clair; il
concerne la communauté chrétienne: ne pas dénoncer et ne pas donner de
leçons, et ainsi ne pas exclure. Cet interdit posé par Jésus est
difficile à vivre parce que celui qui a une poutre dans l'œil est
aveugle et ne voit plus rien. C'est pourquoi les leçons de morale de
quelqu'un qui a une poutre dans l'œil sont celles d'un aveugle qui veut
guider les autres aveugles, comme le dit aujourd'hui Jésus: «Un
aveugle peut-il guider un autre aveugle? Ne tomberont-ils pas tous deux
dans un trou?» (6,39).
La parole de Jésus a un
autre versant. Elle nous demande de commencer par ce que l'on appelle
aujourd'hui «un travail sur soi»: enlever ce qui empêche de voir clair.
Ce travail commence par une disponibilité intérieure: écarter ce qui se
déroule dans notre tête, comme un tourbillon perpétuel qui fait écran et
nous empêche de voir la réalité. Ainsi pour vivre en amitié ou
fraternité, il faut accueillir l'autre: ne pas projeter sur ce qu'il dit
ses propres opinions, mais l'écouter et ensuite prendre le temps de la
réflexion en tenant à distance ses propres impatiences, voire ses
colères. La parole qui naît alors est une parole qui construit et ne
détruit pas. De même, dans la prière personnelle, on passe beaucoup de
temps à tenir à distance et à éliminer ce qui occupe l'esprit en vain et
empêche d'entendre la Parole de Dieu.
fr. Jean-Michel Maldamé
Unité pastorale Montréal-Nord |
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