L’Évangile que nous
venons d’entendre est teinté de nostalgie et d’espérance: nostalgie
occasionnée par le départ de celui qui a donné un sens à la vie des
apôtres et espérance, car Il les rassure qu’il ne les abandonnera
jamais.
Les heures qui
suivront feront vivre aux apôtres la mort la plus cruelle et la plus
injuste de notre histoire humaine, on assassine le Christ par peur
de perdre du pouvoir, par vengeance et par méfiance non contrôlée,
parce qu’on s’est mis à détester quelqu’un qui refuse de servir des
intérêts égoïstes. Devant une telle situation, une réaction humaine
consiste à se fermer sur soi ou à répondre au mal par le mal. Une
réaction humaine contrôlée consiste à garder le silence pour éviter
le pire. La réaction de Jésus est: « Père pardonne-leur… » Voilà
l’Amour jailli du cœur de Dieu.
Non seulement Jésus
pardonne, mais Il pose des fondations pour l’Église en disant à
Marie: « Voici ton fils » et en disant à Jean: « Voici ta mère ».
Jean représente ici l’ensemble du peuple de Dieu. Jésus confie son
peuple à sa Mère et il recommande à ses disciples de prendre Marie
en modèle de vie quotidienne. Marie, c’est le don de soi dans
l’abandon et la simplicité de l’ordinaire de chaque jour. C’est le
petit bout de laine qui permettra au câble d’acier de devenir un
instrument de salut comme le raconte cette vieille légende anglaise
du XVIe siècle.
On venait de
construire une tour dans un village pour se protéger contre les
ennemis. L’expérience avait sollicité la collaboration de tous les
villageois et on voulait célébrer ce bel exercice de solidarité. On
décide de faire une inauguration solennelle de la tour en faisant
tomber les échafaudages compliqués. Puis suivra la fête populaire.
Tout se déroule tel que prévu lorsque soudain durant la fête, on
réalise qu’un gamin qui ignorait le rituel de la journée avait
grimpé en haut de la tour et qu’il s’y trouve prisonnier. Que faire
? Se jeter en bas est une certitude de mort. Refaire l’échafaudage
est trop compliqué. L’heure est tragique.
Soudain sa mère
s’avance et lui crie: « Enlève tes bas ». Tous pensent que cette
pauvre femme perd l’idée tellement sa souffrance est profonde devant
cet événement. Puis elle répète: « Enlève tes bas et défais-les en
tirant sur le bout de laine ». En désespoir de cause, le jeune
s’exécute. Puis la mère poursuit son opération de sauvetage: « Tire
vers nous un bout de laine et garde l’autre bout précieusement
attaché près de toi ». Au bout de laine, on attache une ficelle que
le jeune tire vers lui; à la ficelle, on ajoute une corde, un câble
et le câble d’acier qui permettra au jeune de descendre le long de
la tour. Et voilà la fête qui reprend de plus belle avec une
impression réelle de salut.
Sachons frères et
sœurs que Dieu nous appelle tous à être un « petit bout de laine »
pour quelqu’un. Comme pour les apôtres dans l’évangile, il nous
promet son Esprit-Saint pour discerner l’essentiel et pour nous
conduire vers la plénitude de la vie. Demandons à Dieu de mettre sur
notre chemin quelqu’un d’habiter par sa présence, quelqu’un qui
naturellement nous donne le goût de devenir meilleur. Et pourquoi ne
pas pousser notre audace en allant jusqu’à demander à Dieu de faire
en sorte qu’on devienne nous-mêmes, ce quelqu’un qui dit
spontanément Dieu à ceux et celles qui le cherchent autour de nous.
Gilles Baril, prêtre