Nous continuons aujourd’hui la
lecture du « sermon sur la montagne ». Jésus ne cache pas son ambitieux
projet pour l’humanité : « Soyez parfaits, dit-il, comme votre Père
céleste est parfait. ». Inutile de vous dire que la marche est haute, si
haute qu’elle semble inatteignable. Aussi, pourrions-nous imaginer qu’il
s’adresse à une élite, une catégorie de gens sélectionnés parmi les
meilleurs. Or, il n’en n’est rien ! Sur la montagne, Jésus s’adresse à
la foule, à tout le monde, à nous qui cherchons à le suivre.
Jésus voit-il trop grand ? Est-il
réaliste ? Son invitation à la perfection n’est-elle pas au-dessus de
nos forces ? Ne fait-elle que miroiter un rêve inatteignable, une sorte
d’illusion qui finira forcément par décourager même les plus optimistes
?
S’il est vrai que dans nos
relations avec les autres, nous sommes appelés à reproduire, toujours à
notre manière, l’amour concret de Dieu à l’égard de tous les humains, la
logique veut que nous fassions ce que Jésus a fait. Cette règle est d’or
et notre modèle restera toujours la personne de Jésus. Mais faut-il
aller jusqu’à pardonner à nos ennemis ? À les aimer ? Absolument, dit
Jésus !
« Combien de fois devons-nous
pardonner », demande Pierre à Jésus ? Et Pierre se fait généreux, il
suggère : « jusqu’à sept fois ? » Ça semble juste et équitable. Jésus
répond : « je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix
fois sept fois » autrement dit, pardonne toujours ! Aujourd’hui dans
l’évangile, Jésus fait référence à la pluie qui tombe sur les justes et
les injustes. Elle ne fait pas de différence. L’amour de Dieu non plus
ne fait pas de différence. Dieu aime, un point c’est tout. De la même
manière, enchaîne Jésus, vous devez aimer votre prochain.
« Si vous aimez ceux qui vous
aiment, quelle récompense aurez-vous ? » Sur ce point, il faut avouer
que Jésus n’a pas tort. Quel mérite aurions-nous à aimer nos amis, en
effet. La justice nouvelle, inaugurée par Jésus, dépasse de loin la
logique du « donnant, donnant », connue et pratiquée même par des
étrangers et des athées.
L’invitation de Jésus à aimer à la
manière de Dieu peut paraître utopique, j’avoue. Mais cet amour nous est
rendu possible parce que le Seigneur crée en nous un cœur nouveau qui
peut battre au diapason du sien. Nous n’arriverons pas toutefois à aimer
le prochain, notamment nos ennemis, en nous limitant à suivre une
thérapie ou des sessions de psychologie et de communication. C’est en
nous laissant envahir par l’amour de Dieu que nous pouvons nous ouvrir à
une telle possibilité. Cette transformation du cœur est possible, vous
dis-je.
J’ai connu des parents qui avaient
pardonné au meurtrier de leur enfant. Un drame terrible, épouvantable.
Par-donner, c’est donner-pardessus tout et malgré tout.
Pardonner, c’est aussi se libérer et vivre libre et le cœur léger. À la
suite de Jésus, qui est mort en pardonnant à ses bourreaux, nous sommes
capables de beaucoup plus que nous l’imaginons si nous laissons l’amour
de Dieu nous envahir.
Dans l’Eucharistie, le Seigneur
Jésus, qui a aimé les siens jusqu’au don de sa vie, se rend présent et
se donne à nous. Ainsi, nous sommes unis à celui qui porte, en un cœur
semblable au nôtre, la tendresse infinie de Dieu, le Père de tous les
humains. Celui-ci s’attend à ce que nous vivions comme ses fils et
filles en aimant à sa manière.
Richard Depairon, curé-pasteur,
largement inspiré de Normand Provencher, dans « Vie Liturgique », no
387.
Unité pastorale Montréal-Nord |
|