Réflexion de la semaine

 


La tribulation de Joseph
 

Par le passé, j’ai dû encaisser le coup de poignard d’une trahison. En fait, je connais peu de gens qui ne portent pas, sur leur cœur, les cicatrices d’une trahison. Quand je pense à Joseph, il m’arrive de fredonner, comme par solidarité, le refrain d’une célèbre chanson de Cat Stevens : « The first cut is the deepest ». La plaie d’une première déchirure relationnelle se referme rarement tout à fait. Comme il est difficile de construire une relation sur les fondements bringuebalants d’une confiance trahie !

Matthieu fait preuve de sobriété en relatant l’aventure spirituelle de Joseph; mais pour ce dernier, apprendre de la bouche de sa belle Marie qu’elle était enceinte avant même la célébration de leur union, cela a dû le faire éclater en mille morceaux. Si sa chère Marie, toute pure, avait pu le tromper et tenter de cacher sa faute en lui racontant une histoire biscornue, à qui faire confiance désormais ? Le texte de Matthieu nous révèle un Joseph à la fois bafoué dans un amour qui ne veut pas mourir, et complètement désorienté, en rupture avec la réalité : sinon, comment expliquer son refus de dénoncer Marie publiquement, et de fomenter un plan insensé pour rompre avec elle en secret ? Car le projet de Joseph ne tient pas la route : dans un village comme Nazareth, impossible de dissoudre des fiançailles sans que tous finissent par en faire des gorges chaudes.

Georges Moustaki chantait : « Parfois je pense à toi, Joseph / Mon pauvre ami, lorsque l’on rit / De toi qui n’avais demandé / Qu’à vivre heureux avec Marie ». Le projet de vie initial de Joseph est bouleversé par l’intervention de Dieu; puis lorsque Joseph planifie son projet de répudiation irréaliste, Dieu intervient encore une fois, guérit et transfigure son amour pour Marie, lui demande de s’abandonner à sa volonté. Dieu lui enlève d’abord Marie avec qui il faisait des projets terrestres, pour la lui restituer ensuite en vue du projet céleste. C’est une préfiguration de la démarche eucharistique : à la messe, nous offrons le produit de la terre et notre petite vie bien mondaine, pour les retrouver en corps et sang du Christ, en vie divine qui nous permet de collaborer au projet de salut qu’a Dieu pour le monde.

L’abandon du Fils à l’égard de la volonté du Père est indépassable. L’abandon confiant de l’Immaculée Conception fait d’elle la maris stella, « l’étoile de la mer » qui guide la barque de l’Église naviguant vers la plénitude du Royaume. L’abandon plein d’humilité du simple homme qu’était Joseph peut également nous inspirer, surtout quand nous nous sentons dépassés par les événements, par les exigences de l’amour, par l’interpellation de Dieu au cœur de nos projets personnels. À moins d’une semaine de Noël, demandons à saint Joseph de nous obtenir la force de réaliser les changements que nous savons devoir faire dans notre vie pour accueillir plus pleinement le salut qui nous est offert en abondance.

Jonathan Guilbault

     Unité pastorale Montréal-Nord