« Frères, vous le savez : c’est le
moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil. » C’est ainsi que
Paul s’adresse à la communauté de Rome au début de l’ère chrétienne. Le
temps de l’Avent est un temps précieux pour nous réveiller de notre
léthargie.
En effet, la vie chrétienne est un
pèlerinage, une route où le Seigneur marche avec nous en nous partageant
sa passion, ses rêves, sa vie et sa Parole afin d’avancer et de faire
advenir son Règne au milieu de nous et en nous. Le jour est tout proche
et Jésus nous invite, comme à chaque année, à veiller, à rester
vigilant, aux aguets. Mais ça veut dire quoi veiller ?
Je me souviens avoir veillé mon
père agonisant. Il avait du mal à respirer. Nous étions tous auprès de
lui, ma mère, mes sœurs, mon cousin et moi-même. Chaque minute me
paraissait une éternité. Le temps était suspendu et les mots devenaient
de plus en plus inutiles. Mon père allait partir d’une minute à l’autre,
mais ma foi me disait qu’il devait passer par là s’il voulait vivre en
Dieu. J’avais le cœur gros, mais j’étais plein d’espérance. Nous avons
prié et pleuré, nos émotions se succédant tour à tour. Mais le souvenir
que j’en ai aujourd’hui demeure la joie de le voir atteindre enfin sa
véritable destinée. Nous étions émus et profondément démunis devant ce
mystère de la mort et de la vie après la mort…
Chaque mouvement de mon père,
chaque respiration était scrupuleusement étudiée pour tenter de deviner
ce qu’il désirait en cet instant dramatique. Ces paroles avaient la
valeur d’un testament et notre attention était toute tournée vers ses
dernières volontés.
Qui a veillé un parent ou un ami
comprend ce que je cherche à dire. Quand j’entre en cette période de
l’Avent, je me figure cet instant au chevet de mon père. Veiller, c’est
se faire proche, c’est se rendre attentif à l’autre. Veiller, c’est
rester près de l’essentiel, c’est investir le meilleur de nous–mêmes et
découvrir ce qu’il y a de mieux dans l’être humain.
Quand on veille un proche, les
masques tombent, car la vérité nous rejoint au cœur. Et c’est à ce
moment que nous découvrons combien nous avons vécu en dehors de la vie,
combien nous avons perdu de temps à faire semblant, à fuir la réalité de
la vie, à se mentir à nous-mêmes pour éviter de nous engager vraiment.
Quand Jésus viendra mettre un terme
au déroulement de l’histoire, lorsqu’il reviendra, car il reviendra,
dans quel état d’esprit trouvera-t-il la majorité d’entre nous ?
Alors, la vraie question que nous devons nous poser, ce n’est pas la
date de la fin du monde. Mais c’est de nous demander quels sont nos
véritables sentiments intérieurs. Nous laissons-nous vivre au gré des
changements et des modes, selon nos caprices du moment, attentifs avant
tout à l’avoir ou au paraître plutôt qu’à l’être ? Ou bien sommes-nous
désireux de nous ouvrir à une autre dimension ? Au fond, la ligne de
partage entre les êtres humains ne se situe pas du tout dans les
différences d’intelligences, de classes sociales, de cultures, encore
moins dans les comptes en banque. Elle traverse notre cœur, là où nous
accueillons ou non la présence de Jésus.
Alors, oui, « veillez donc,
tenez-vous prêts. » Il ne s’agit pas d’entretenir en nous une peur et
une angoisse devant la venue du Seigneur. Il s’agit d’ouvrir notre cœur
à sa Parole. Le temps de l’Avent nous est justement donné pour raviver
en nous le désir d’accueillir en nous la présence de Jésus. N’attendons
pas plus tard, car plus tard, il risque fort d’être trop tard…
Richard Depairon, curé-pasteur
Unité pastorale Montréal-Nord |
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