À la fois brebis et renard
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Enfant, qui n’a
pas joué à « si tu devais être un animal, lequel serais-tu ? » Les bons
coureurs s’affichaient en gazelles ou en lièvres, les fiers en lions,
les paresseux… en paresseux, etc. Moi, j’étais le koala de la bande, je
ne sais plus pourquoi. En tout cas, personne ne manifestait l’envie
d’être une brebis… C’est pourtant ainsi que le Seigneur dépeint parfois
ses disciples ! Avec raison d’ailleurs : la docilité à la Parole est le
contrepied exact de la rébellion orgueilleuse du péché originel, ainsi
que l’attitude même de Jésus, « l’agneau de Dieu », par rapport à la
volonté du Père. Mais l’image du disciple/brebis comporte des limites :
la vie de liberté des enfants de Dieu ne consiste certes pas à bêler
servilement et à se laisser tondre la laine sur le dos ! La parabole du
gérant trompeur, difficile à saisir, complète l’image de la brebis en
dévoilant un autre aspect de la vie chrétienne.
Évidemment,
Jésus n’invite pas à imiter la malhonnêteté du gérant de la parabole, ou
l’avidité de ceux qui, selon Amos, « écrasent le pauvre pour anéantir
les humbles »; c’est leur habileté, et seulement elle, qu’il loue. Jésus
s’attriste sans doute du fait que les « profiteurs » montrent plus de
passion et d’initiative que les « fils de la lumière ». Il faut en effet
une foi bien forte pour se consacrer au service de Dieu avec la même
chaleur que ceux qui brûlent de la passion de l’argent ou du pouvoir !
Cependant, si Jésus prend la peine de conter cette parabole, c’est que
le feu de son Esprit peut nous rendre capables d’autant d’ingéniosité,
de créativité pour le bien. Trop de gens limitent leur charité à des
gestes appris par cœur, comme l’aumône. Ces gestes ont assurément leur
valeur, mais pour faire de notre vie une véritable « œuvre d’art
d’amour », il n’est pas mauvais d’imiter le peintre : comme celui-ci
varie les couleurs et les formes pour trouver l’expression juste, le
chrétien est invité à renouveler, à repenser ses gestes et ses paroles
d’amour à chaque nouvelle journée, à chaque nouvelle rencontre.
Récemment, j’eus
l’inspiration de « ruser » pour le Seigneur : une personne plus ou moins
croyante voulait me rencontrer. Je l’ai invitée à dîner après la messe
dominicale. Au lieu du restaurant comme point de rencontre, j’ai osé lui
proposer l’église, prétextant vouloir lui montrer mes nouveaux
appartements. Finalement, quant à nous rendre à l’église, aussi bien
assister à la messe ! C’est justement la pensée qui lui est venue à
l’esprit ! Ainsi, bien des moyens sont bons pour ramener les gens à la
messe, ne serait-ce que pour une fois !
Chaque rencontre
humaine ouvre des possibilités de bonté, de charité. En étant attentifs
aux besoins d’autrui, et avec un peu d’imagination, nous pouvons
réaliser le conseil de saint Paul : « Que votre charité se fasse
inventive » (1 Th 1, 3).
Jonathan Gilbault, séminariste stagiaire
Unité pastorale Montréal-Nord |
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