Mort
en terre j’ai eu la vie, c’est du moins ce qu’on m’a dit.
D’un
avenir qui m’est indécis, j’ai peur à ce qui suit.
Grandir serait mon plus grand bonheur, puisque la vie m’aspire ailleurs.
Perdu dans cette grande forêt, seul parmi ces grands cyprès,
Je
voudrais moi aussi être fort comme eux,
Voir du bout de mes branches ce ciel bleu.
Porter avec fierté ses oisillons qui claironnent leurs chansons
Et leur offrir un nid, le
temps de nourrir leurs petits.
Oui,
comme cela serait beau de m’élever encore plus haut.
Voyager sur toute la terre et d’un ailleurs meilleur y découvrir la mer.
Je
verrais à ce moment sous les océans sans tourments
Ce
soleil de feu qui gonfle d’orgueil ces hommes valeureux
Aussi, je me redis, l’histoire de rester en vie,
Que déjà hier, je n’étais point si grand.
Oui,
d’hier à aujourd’hui, il y eut un changement !
Je
grandis sans même le savoir, c’est la nature qui me permet de le croire.
Pourtant, sous ces apparences de bonheur se cache l’horreur…
Cette terre, ce sol bénis qui m’a nourri, me semble à présent comme un
désert
Je
n’entends plus ces oiseaux qui m’animaient de leurs chants si beaux
Mes
feuilles n’ont plus la force de se soutenir
Et je sens tout mon être s’évanouir.
Voilà, me dis-je, il me faut mourir à toutes ces illusions.
De
ces idées à devenir grand, je dois signer mon testament.
Je
suis un arbuste sans histoire, un arbrisseau qui n’a vécu qu’un soir.
Alors, me direz-vous, à quoi sert-il de vivre si ce n’est que pour
souffrir ?
Colère et misère, toute ma vie je crie !
Douleur et sueur, toute ma vie je prie !
«
Persévère et gagne », m’avait-t-on dit !
Mais
je découvre au terme que tout est fini !
Je
suis presque mort et pourtant, sans trop d’effort,
Il y
a quelque chose qui me rappelle que la vie court encore.
La
souffrance telle une espérance… la souffrance telle une renaissance…
Je
la sens percer terre et pierre, je la devine en moi grande et fière
Je
suis là, toujours là, qui reste là !
J’ai
l’impression qu’il n’y a aucune évolution
Et
pourtant si je fais attention, je vois autour de moi toute une mutation.
En
cette nuit, où je croyais mourir, s’est mue en moi une résurrection.
Oui ! C’est de la mort que surgit la vie !
Je
me réjouis à voir mes premiers bourgeons
Et comme j’aime à revoir ces oiseaux si bons
Quelque fois, il nous faut perdre ce que l’on croyait dû
Pour l’apprécier comme un don, qui l’eut cru.
Je
suis grand maintenant et je comprends,
c’est pourquoi tout mon être veille et prie.
Mon
expérience m’a également appris à comprendre ces tout petits
qui au premier hiver se sentent incompris.
Richard Depairon,
curé-pasteur
Unité pastorale Montréal-Nord |
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