C'est en pensant à cette page d'évangile que Karl Marx a pu
dire que « la religion est l'opium du peuple.» Ça prend un drôle
de culot, en effet, pour dire à quelqu’un qui souffre :
« heureux es-tu, par ce que ça va allez mieux au ciel ».
C'est vrai que cette parole, comprise ainsi, est épouvantable. D'abord
si on s'en sert pour encourager les malheureux à se résigner et à ne
rien faire pour s'en sortir ; ensuite si les riches en profitent pour
justifier les inégalités dans la société.
Et pourtant, cette parole
de Jésus est « Parole d'Évangile ».
Seul Jésus a le droit de s'adresser aux malheureux de cette
manière parce qu'il est l'un d'eux. |
Jésus est le pauvre par excellence. Solidaire non pas en
paroles seulement, mais existentiellement, de tous les pauvres et de
tous les malheureux de la terre. Regardez-le : né dans une étable, mort
sur une croix, « le Fils de l'homme n'a pas une pierre où reposer sa
tête. » Plus que solidaire : Dieu, en la personne de Jésus,
s'identifie aux pauvres et aux malheureux. « J'ai eu faim, vous
m'avez donné à manger ; j'étais nu et vous m'avez habillé...chaque fois
que vous avez fait cela à un petit, c'est à moi que vous l'avez fait.»
Seul Jésus a le droit de s'adresser aux malheureux de cette manière
parce qu'il est l'un d'eux.
Oui, mais...! Il reste que la promesse de bonheur semble à
première vue reportée à un futur qui peut nous paraître assez loin, voir
dans l’au-delà. Cependant, rappelons-nous que l'expression sémitique
« dans les cieux » est une manière de dire « en Dieu ». Il ne
s'agit peut-être pas seulement du futur donc, mais d'un présent. Nous
sommes en marche vers ce bonheur dès maintenant. Mais rappelons-nous
quand même que « si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour
cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes,
» écrit Paul.
Notre foi consiste
essentiellement à déplacer les valeurs : dans une société centrée sur
l'avoir, le pouvoir, et la violence qu'ils engendrent, apprendre à vivre
la fraternité, le respect de l'autre, la qualité des relations. Car au
fond, devant Dieu, nous sommes tous pauvres, même le riche ; nous ne
sommes pas jugés sur ce que nous possédons, ni sur nos capacités, mais
uniquement sur l'amour. Le fond du problème se trouve dans la première
lecture de ce dimanche. Jérémie oppose ceux qui mettent leur confiance
en ce qui est mortel et ceux qui mettent leur confiance en Dieu. Les
premiers sont comme une terre desséchée, ils sont malheureux; les
seconds sont comme une terre bien irriguée qui porte du fruit.
Tout se joue donc sur la
confiance et la défiance. Mettre sa confiance en autre chose que Dieu,
c'est se fabriquer des idoles. Trouver son bonheur dans sa richesse,
c'est bâtir sa vie sur du vent. C'est être à côté de la vie. Mais qui
cherche le vrai bonheur, trouve Dieu !
Richard Depairon,
curé-pasteur
Unité pastorale Montréal-Nord |
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