Tout donner : ce
conseil va à l’encontre de toute logique et nous aurions tort de
transposer littéralement la Parole de Dieu en manuel d’économie.
N’empêche, le geste de la veuve force l’admiration…
Si Jésus cherche à
attirer l’attention de ses disciples, ce n’est pas d’abord pour donner
cette veuve en exemple, mais surtout pour démontrer qu’il ne faut pas se
fier aux apparences. La vraie valeur d’un don ne se mesure pas tant
en chiffres mais bien à la privation que s’impose le donateur. Jésus
a remarqué la générosité de la veuve, cependant, il ne dit pas qu’il
faut l’imiter.
Cette veuve qui s’en est entièrement remise à Dieu nous rappelle
que, tant que nous ne nous sommes pas donnés nous-mêmes, nous
n’avons pas vraiment donné. |
Je m’explique :
d’abord, celle-ci manque de prudence en donnant tout ce qu’elle possède.
Résultat : elle court à sa perte et, si elle survit, ce ne sera pas
grâce à sa bonne gestion mais grâce à la générosité d’autres donateurs
plus prévenants qu’elle. Rien de louable à cela.
D’autre part, la
veuve est prisonnière du système religieux des scribes.
Ceux-ci l’ont convaincue que le culte rendu à Dieu dépasse toute autre
préoccupation et qu’elle doit s’y soumettre à la lettre. Cette idéologie
la pousse à donner tout ce qu’elle possède pour le temple, un édifice
destiné à disparaître. Cette femme n’est pas une héroïne, elle est
une victime de l’exigence des scribes.
Cela dit, il y a
dans ce récit un enseignement très actuel et tout à fait pertinent pour
nous aujourd’hui.
L’obole de la veuve touche tellement Jésus qu’il appelle ses disciples
pour leur dire quelque chose d’important : ce n’est pas le montant du
don qui compte pour Dieu, c’est l’attitude du cœur: beaucoup donnent
sans se priver le moindrement – la veuve, en donnant de son nécessaire,
s’est donnée elle-même.
Ainsi, cet
épisode, le dernier raconté par Marc avant la passion, devient le signe
émouvant de ce que va faire le Christ : donner tout, se donner lui-même.
Cette veuve qui s’en est entièrement remise à Dieu nous rappelle que,
tant que nous ne nous sommes pas donnés nous-mêmes, nous n’avons pas
vraiment donné.
Du point de vue
humain, le geste de la veuve est pour ainsi dire absurde car, dans son
inconscience, elle se saigne à blanc en faveur d’une institution. De
même, la croix de Jésus Christ est folie car elle associe Dieu au péché.
Mais ce qui paraît folie à l’homme est sagesse de Dieu. Malgré
ses limites, cette femme a donné toute sa vie par amour de Dieu et elle
a fait confiance à Dieu. De même, Jésus accepte de se donner librement
et s’en remet entièrement au Père. L’obole de la veuve, tout comme
l’Eucharistie que nous célébrons, nous rappellent cette vérité pour
nous, les croyants : c’est en nous donnant que nous sommes sauvés.
Richard Depairon,
curé-pasteur
Unité pastorale Montréal-Nord |
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