« Frère André sera bientôt Saint », lisait-on dans un des courriels que
j’ai reçu récemment.
Du coup, je me suis demandé s’il aurait été d’accord avec cette
affirmation de son vivant. Mon grand-père, Dieu ait son âme, l’a
rencontré quelques fois. C’est que mon grand-père habitait sur le
terrain de l’Oratoire Saint-Joseph et y a travaillé quelques années.
L’avez-vous connu ? C’était un homme généreux. Illettré, mais fort
cultivé. Il était débrouillard, il était bon, un saint homme en somme.
Mon grand-père ne sera sans doute jamais canonisé, comme les milliers
d’ouvrier qui ont construit la Basilique, comme la centaine de milliers
de pèlerins qui ont pérégriné vers le dôme de l’Oratoire dédié à
Saint-Joseph.
Je ne suis pas contre la canonisation de Frère André, comprenez-moi
bien. J’en suis même très fier. Mais n’oublions jamais que c’est la
vocation de tout chrétien et de toute chrétienne de tendre à cette
perfection de la charité dans le quotidien de leur vie. Et si vous
voulez tout savoir, je crois qu’il y a beaucoup plus de saints et de
saintes que ne le laissent croire les procès de canonisations.
L’apôtre Jean raconte sa vision : « J’ai vu une foule immense, que nul
ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et
langues. »
On les a élevés si haut, on les a marqués du sceau éternel, on les a
figés dans la cire, et on a oublié qu’ils avaient vécus comme nous,
qu’ils avaient doutés parfois, qu’ils s’étaient même trompés peut-être,
mais qu’ils avaient tenu bon, malgré tout ! Ils sont des héros de la
foi, non parce qu’ils étaient parfait en tout, mais parce qu’ils étaient
disponibles et souples « comme ces ouvriers quelconques de l’évangile ».
Les miracles qu’on attribue à ces saints et saintes sont, en réalité,
l’œuvre de Dieu
et ça serait se faire grand tort que d’imaginer que le Frère André ait
construit à lui seul l’œuvre de l’Oratoire et rendu possible toutes ces
guérisons dont témoignent les ex-voto. Un seul est vraiment Saint, ne
nous faisons pas d’illusion. Cependant, Dieu veut nous communiquer
sa sainteté. Et c’est sans doute ce qu’il y a d’original dans la foi
catholique. En la personne de son Fils, j’ose même prétendre, comme le
disaient jadis les Pères de l’Église, que Dieu nous divinise.
Mais qu’est-ce que la sainteté au juste ?
Pour Dominique Savio, la sainteté consiste simplement à nous
maintenir dans la Joie. Selon mère Teresa, on ne peut se décider
à être un saint ou une sainte sans qu’il en coûte beaucoup de
renonciations, de tentations, de combats, de persécutions, de toutes
sortes de sacrifices. Mais la définition que je préfère demeure
celle de H. Urs Von Balthasar : Si l’amour des saints s’est enflammé
pour Dieu, c’est parce qu’ils se savaient aimés de façon absolue, et
qu’ils voulaient faire de leur existence une réponse à cet amour absolu.
En définitive, si le Pape se permet de présenter en modèle certains
membres de l’Église, c’est en vertu de la loi de l’incarnation.
Je m’explique : Jésus est le Saint par excellence. Notre modèle à tous.
À chaque époque, des hommes et des femmes se sont engagés à si bien
l’imiter, qu’on a reconnu en eux, en elles, des exemples stimulants et
édifiants. Pensez par exemple à saint François d’Assise, à saint Thomas
d’Aquin, à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus… ils ont tous quelque chose
à dire à l’Église, quelque chose qui nous parle de Dieu.
Il me semble qu’on gagnerait tous à lire leur vie, à les fréquenter, à
les prendre pour modèle, en exemple.
Voilà pourquoi l’Église s’évertue à béatifier et à canoniser. Par
ailleurs, est-ce que nous avons pris conscience que notre coin de pays a
été fondé par des saints ? Des hommes et des femmes qui, comme m’a dit
un jour un enfant en regardant un vitrail, ont laissé passer la lumière
de Jésus ?
Richard Depairon, curé-pasteur
Unité pastorale Montréal-Nord |
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