9 août 2009 : Allocution de l'abbé Richard Depairon,
curé des paroisses Sainte-Colette et Saint-Camille
On ne voit
pas ça souvent, catholiques, musulmans, protestants parlant
d’une même voix, main dans la main. Je crois qu’il y a quelque
chose d’historique en ce dimanche 9 août.
Je lisais
dans la Presse de samedi dernier sous le titre : « Premier
anniversaire de la mort de Fredy Villanueva, un appel à la
mobilisation pacifique à Montréal-Nord. » : « Un vent nouveau
souffle à Montréal-Nord, porteur d’espoir et de changement de
mentalité », disait à cette occasion son porte parole Gethro
Auguste. C’est très juste.
Je suis
arrivé à Montréal-Nord, comme nouveau curé des paroisses
Sainte-Colette et Saint-Camille, au début d’août de l’an passé.
Donc, juste au moment du drame de la mort du jeune Fredy.
Quelques jours plus tard, il y a eu l’émeute que l’on connaît
bien. Et il y a eu après… Après ce sont les téléphones des amis
qui me demandaient si c’était dangereux de vivre à
Montréal-Nord. Après, il a eu les médias. Après, il y a eu
l’enquête qui n’a pas convaincu tout le monde. Après, il y a eu
la volonté de la ville à investir dans les parcs, les
travailleurs de rues et les tables de concertation pour
promouvoir la paix. Et même là, on ne s’entend pas. D’un côté,
il y a ceux qui ont le pouvoir qui prétendent qu’il faut mater
les délinquants; de l’autre, les gens de la rue, qui veulent
tout casser pour se faire entendre. Entre les deux, la majorité
silencieuse qui ne sait pas trop quoi penser.
L’autre
jour, j’étais au parc Carignan. J’étais avec des amis et on
s’est proposé d’organiser un match de soccer avec les jeunes qui
étaient présents. Tout à coup, il y a eu de la bataille entre
deux groupes de jeunes. Des ados de 13 ans. Pas trop grave, vous
allez me dire… Allez-y voir ! Ils voulaient s’arracher la tête !
Il devenait impossible de les maîtriser. Mon ami m’a donc
demandé d’appeler la police. Du coup, tous les jeunes, unanimes,
m’ont dit que c’étaient eux les méchants. J’étais sidéré. Et
j’ai compris. J’ai compris combien le fossé était grand.
Honnêtement,
je ne sais pas comment on va pouvoir changer les mentalités. Je
ne sais pas comment on va faire pour se parler, pour se
pardonner, pour se faire confiance. Mais il y a une chose que je
sais, une chose dont je suis sûr. C’est que la violence
n’arrange rien ! Si nous voulons être crédibles, si nous voulons
que notre voix se fasse entendre, choisissons l’intelligence et
non la violence !
Un jour, il
y a eu un grand personnage qui a prêché la justice et l’égalité
des races. On le connaît bien. Il s’appelait Martin Luther King.
Un jour, il a fait un rêve et je me suis permis de paraphraser
son rêve :
J’AI FAIS
UN RÊVE…
Texte
inspiré par Martin Luther King
Je rêve
qu’un jour, à Montréal-Nord, les fils de la rue et les hommes de
loi pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve
qu’un jour, Montréal-Nord lui-même, tout brûlant des feux de la
haine, tout brûlant des feux de l’incompréhension, se
transformera en oasis de liberté et de justice.
Je rêve que
les enfants vivront un jour dans ce coin de pays où on ne les
jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur
caractère. Je fais aujourd'hui ce rêve !
Je rêve
qu’un jour, même dans le ghetto où le racisme est vicieux, où
l’autorité impose sa suprématie, un jour, justement là où le feu
de la haine ne semble jamais s’éteindre, je rêve que les petits
garçons et les petites filles de langue espagnol, les petits
garçons et petites filles de langue française, pourront tous se
prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd'hui
ce rêve !
Telle est
mon espérance.
Avec une
telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes
de désespoir, un caillou d'espérance. Avec une telle foi nous
serons capables de transformer la cacophonie de notre nation
discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité.
Avec une
telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier
ensemble, de lutter ensemble, de nous dresser ensemble pour la
liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le
jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet
hymne auquel ils donneront une signification nouvelle.
Quand nous
ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand
nous la laisserons carillonner dans chaque cœur et chaque
famille, dans chaque maison et dans chaque cité, nous pourrons
hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les
Noirs et les Blancs, les Juifs et les Musulmans, les Catholiques
et les Protestants, pourront se tenir par la main et chanter
l’espérance d’être enfin libre.
Seigneur,
Faites de moi un instrument de votre paix.
Là où est la haine, que je mette l'amour.
Là où est l'offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l'union.
Là où est l'erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l'espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.
Faites que je ne cherche pas tant à être consolé
que de consoler,
D'être compris que de comprendre.
D'être aimé que d'aimer.
Parce que
C'est en donnant que l'on reçoit,
C'est en s'oubliant soi-même qu'on se retrouve
C'est en pardonnant qu'on obtient le pardon.
C'est en mourant que l'on ressuscite à
l'éternelle vie.
Saint François
Unité pastorale Montréal-Nord |
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