Jésus en famille
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Lc 2,41-51
Il y a quelques jours nous découvrions le Christ sauveur sous
les traits d'un enfant; et dès aujourd'hui il nous faut rejoindre, dans
la foule de Jérusalem, un grand garçon de douze ans, déjà sûr de lui, et
qui prend des initiatives surprenantes.
Ce raccourci liturgique ne doit pas nous faire illusion: en
réalité il n'y a pas eu de court-circuit dans la vie de Jésus. Son
enfance et sa jeunesse n'ont pas été une simple parenthèse, et le Fils
de Dieu n'a rien négligé pour s'enraciner dans notre humanité,
c'est-à-dire, concrètement, dans son pays, dans son peuple, dans son
village et dans sa famille.
Il y a mis trente ans! Trente années sur lesquelles l'Évangile
ne nous dit absolument rien, sinon justement ce que nous lisons
aujourd'hui en saint Luc, ce récit étrange du pèlerinage à Jérusalem,
qui nous introduit, avec des mots très simples, dans le mystère de
l'Homme-Dieu.
C'est bien en effet de Jésus qu'il s'agit avant tout. Pour
résumer ses années de jeunesse, saint Luc écrit seulement: "il
grandissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les
hommes". Il grandissait: quoi de plus normal? Il se développait
physiquement, bien sûr; mais Luc ajoute: "en sagesse", c'est-à-dire en
intelligence. Et là, tout de suite, nous rencontrons le mystère. Comment
le Fils de Dieu pouvait-il avoir quelque chose à apprendre? Comment
pouvait-il s'étonner, s'amuser, et demander à sa mère: "Maman,
pourquoi?".
Or il y a deux affirmations que nous ne pouvons ni éliminer ni
réduire: à Nazareth Jésus est Dieu, et rien n'échappe à une
intelligence divine; à Nazareth Jésus est homme, pleinement homme, et
l'on n'est vraiment homme que si l'on apprend, que si l'on découvre, que
si l'on s'interroge.
Les deux aspects sont vrais, et vrais en même temps; et c'est
là qu'est le mystère. Nous ne savons pas et nous ne saurons jamais
parfaitement ce que c'était pour Jésus que de vivre homme tout en étant
Dieu. Nous ne saisirons jamais totalement comment retentissait dans son
intelligence et son cœur d'homme cette certitude qui ne le quittait pas:
Dieu est mon Père; le Père et moi nous sommes un.
Ce que nous savons, c'est que dès aujourd'hui l'Esprit nous
est donné pour avancer, vers ce mystère, pour devenir fils dans le Fils,
pour accueillir Dieu dans notre être qui grandit et de notre monde qui
se transforme. Ce mystère de l'Homme-Dieu, Marie l'a vécu jour après
jour à Nazareth. Marie et Joseph, car ils ont porté ensemble les
joies, l'insécurité et les interrogations.
Il est exact que le foyer de Marie et Joseph ne présente pas
toutes les composantes de la vie d'un couple uni; mais il donne
l'exemple d'une réussite parfaite sur des points où tant de couples
chrétiens ont parfois des échecs douloureux: l'attention au bonheur de
l'autre, le souci de promouvoir l'autre dans la ligne de son appel, et
surtout la référence des deux au même Christ sauveur, au même Seigneur
de la vie.
Marie et Joseph ont communié dans une même mission: amener le
Fils de Dieu pour le dessein du Père. Il fallait, pour être pleinement
homme et pour sauver tout les hommes, que le Christ vécût depuis
l'enfance cette double référence à une femme et un homme qui structure
pour toujours l’histoire, dans un destin d'amour. Il fallait qu'il
entende, pendant douze ans, pendant trente ans, la voix de Marie dire
tranquillement: "ton père et moi".
Mais pour Marie et Joseph, l'acte de foi a été quotidien. Dans
ce bébé, si réel, si vivant, si bien à elle, qu'elle langeait et qu'elle
nourrissait, Marie devait rejoindre le Fils de Dieu. Dans cette enfant
qui venait lui demander des bouts de bois pour s'amuser, Joseph devait
reconnaître le Messie d'Israël. Et cet adolescent à l'esprit toujours en
éveil qui faisait, bien sûr, leur fierté, ils ont appris à le rendre
sans cesse à Dieu qui le leur avait donné. Ils n'ont pas compris tout de
suite certains de ses choix, certaines de ses attitudes ou de ses
paroles. Jésus vivait auprès d'eux, avec eux, mais il vivait de la vie
du Père; il habitait chez eux, mais il lui fallait être chez son Père.
Marie gardait fidèlement dans son cœur tout ce film de l'enfance et de
la jeunesse de Jésus, en se disant bien souvent: "Mon enfant,
pourquoi?"; "Vois, ton père et moi nous te cherchons, angoissés".
Mais Jésus les aimait trop pour leur épargner l'une des
expériences les plus riches qu'un être humain puisse vivre devant Dieu
et devant les hommes: cheminer dans la foi.
Unité pastorale Montréal-Nord |
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